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La santé naturelle avec Sophie Lacoste

“Pochécolonomie”, l’entreprise à zéro déchet

Dans le Nord de la France, une usine d’enveloppes fait beaucoup parler d’elle actuellement. Atypique, “écolonomique”, elle se visite et fait des émules. Son patron, Emmanuel Druon, met toute son énergie dans ses convictions. Rencontre avec une entreprise propre où les employés sont heureux de travailler !

C’est en voyant Demain, le documentaire réalisé par Cyril Dion et Mélanie Laurent, que l’idée m’est venue de parler de cette usine située à Forest-sur-Marque, non loin de Lille. Son bouillonnant patron actuel n’y va pas par 4 chemins : “L’écolonomie, ce mélange d’économie et d’écologie, est l’avenir de nos sociétés surconsommatrices de tout – énergie, ressources naturelles…

Et ce ne sont pas que des mots. Depuis plus de 20 ans qu’il a repris cette affaire, les changements sont visibles, concrets… et plus que positifs. Pas seulement pour l’environnement. “Depuis le rachat de ce site, mon but a été de le rénover et de le rendre plus attractif, car il a une âme“, lance d’emblée le dirigeant.

Réserve naturelle et verger

Nous avons beaucoup de chance, admet-il. Juste à côté, il y a la Réserve naturelle du Héron où les oiseaux migrateurs s’arrêtent sur la route du Sud !” Du coup, le site industriel est lui aussi devenu protégé, et les nichoirs à mésange bleue et chouette effraie parsèment les 13 000 m2. Les pipistrelles – des petites chauves-souris –, et un couple de faucons crécerelles ont, eux aussi, élu domicile à cet endroit.

Un verger conservatoire a été planté et, aujourd’hui, ce sont les dizaines de kilos de prunes, pommes, cerises et poires de plusieurs variétés qui régalent la centaine d’employés et leurs familles. Voilà pour le décor.

Toiture végétalisée et ruches

Durant ces 20 dernières années, Emmanuel Druon a fait évoluer l’entreprise en accord avec ses convictions tout en réduisant l’impact sur l’environnement. Cet homme qui allait ramasser les boulettes de pétrole qui polluaient les plages bretonnes après l’échouage de l’Amoco Cadiz, en 1978, ne s’en laisse pas compter.

Les 2400 m2 de toiture de la PMI, rénovée en 2010, sont entièrement végétalisés, ce qui permet d’isoler les bureaux et l’atelier de production qui sont en-dessous, d’attirer encore plus de biodiversité sur le lieu et d’absorber les pluies d’orage, récupérées, bien sûr. “Nous avons démonté l’ancienne toiture, réduit les tuiles en billes d’argile et, en les mélangeant à du terreau, obtenu un substrat utilisé pour planter des sedums“, explique-t-il. Toutes les gouttières déversent les eaux pluviales dans des cuves enterrées autour du site. C’est cette eau tombée du ciel qui est ensuite utilisée pour laver les machines, pour les sanitaires et l’arrosage des plantes.

Et ce n’est pas tout ! Une dizaine de ruches a été installée près des bâtiments et ce sont 300 kilos de miel que des membres de l’équipe Pochéco, formés à l’apiculture, récoltent chaque année.

Bambouseraie aussi !

L’encre utilisée étant à pigments naturels et sans solvants, les souillures des machines ne sont donc pas toxiques et diffusées dans la bambouseraie de phyto-remédiation (1). Les tiges de bambou sont coupées au bout de 4 ans et transformées en pellets qui servent à chauffer les bâtiments. Résultat : plus besoin de gaz et 40 000 € d’économie par an.

Des panneaux photovoltaïques produisent de l’électricité, et des puits de lumière permettent de faire entrer la lumière naturelle dans l’usine ainsi rénovée. Les techniques écolonomiques permettent aussi d’entretenir le plaisir de venir travailler. L’ancien diplômé de la Sorbonne a réussi ce tour de force grâce à l’anti-management qu’il a doucement introduit parmi ses employés.

190 000 arbres replantés

Et ce n’est pas fini… Loin d’être une dévoreuse de papier, l’ancienne Papeterie Générale du Nord est au contraire devenue une pourvoyeuse d’arbres. “Nous produisons 2 milliards d’écoenveloppes 100 % recyclables par an“, poursuit le manager écolonomique. Et, pour chaque arbre utilisé, l’entreprise s’engage à en replanter 4, si bien qu’en 2011, par exemple, ce sont 190 000 épicéas, pins, bouleaux, eucalyptus, érables et trembles qui ont ainsi permis la reforestation du Nord-Pas-de-Calais par l’intermédiaire de l’association Pochéco Canopée Reforestation.

C’est cette même association qui s’est lancée dans la formation. Une équipe de 10 personnes se mobilise pour accompagner des entreprises désireuses de se lancer dans la rénovation en suivant les principes qui marchent, puisque l’usine de Forest-sur-Marque gagne de l’argent (tout de suite réinvesti dans l’entreprise).

L’objectif d’Emmanuel Druon semble donc atteint. Son pari gagné. À ce jour, il dirige une entreprise qui ne nuit pas à l’environnement, qui est rentable et qui est visitée par des personnes du monde entier.
Le plus incroyable, dans cette belle histoire, c’est que cette usine a été fondée par… mon arrière-grand-père en 1848. À l’époque, c’était une filature qui fabriquait des sacs en toile de jute pour l’agriculture.

L’écolonomie n’est pas née d’hier
Ce néologisme vient de la contraction des mots écologique et économie.
Le concept a notamment été développé par l’ancienne ministre de l’écologie, Corinne Lepage, dans son livre Vivre autrement.

À LIRE
Le syndrome du poisson lune : un manifeste d’anti-management et Écolonomie, d’Emmanuel Druon, tous deux édités chez Actes Sud – 19,80 € chaque livre.
Les royalties de ces livres sont reversées à l’association Pochéco Canopée Reforestation pour le reboisement du Nord-Pas-de-Calais.

À VOIR
Le film documentaire, Demain, réalisé par Cyril Dion et Mélanie Laurent, sorti en décembre 2015 et qui a remporté le César du meilleur film documentaire le 26 février dernier.

CONTACT
Pochéco SAS. 13, rue des Roloirs, 59510 Forest-sur-Marque –  03 20 61 90 90 – www.pocheco.com


(1) Dépollution des sols, épuration des eaux usées ou assainissement de l’air intérieur, utilisant des plantes vasculaires, des algues ou des champignons et, par extension, des écosystèmes qui supportent ces végétaux.

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